» b)
en épandant une substance sur la surface de l'océan ?
Il y a eu quelques travaux expérimentaux pour tenter
de fabriquer un liquide qui, étalé sur une surface océanique,
empêcherait l'évaporation. Si cela fonctionnait à proximité du
cyclone tropical, cela aurait probablement un effet limitant sur l'intensité de
la tempête car il a besoin d'énormes quantités d'évaporation
pour maintenir son intensité. Toutefois,
trouver une substance qui serait capable de rester concentrée sur
les eaux agitées d'un cyclone tropical s'est révélé être
le point faible de cette idée.
Il a également été suggéré il y a une
vingtaine d'années que l'utilisation de noir
de charbon (suie) pourrait être un bon moyen de modifier les cyclones
tropicaux. L'idée était qu'on pourrait brûler une grande
quantité de pétrole lourd pour produire un grand nombre de
particules de noir de charbon qui serait libérées aux limites
du cyclone tropical dans la couche limite. Ces aérosols de noir
de charbon fourniraient une énorme source de chaleur simplement
en absorbant le rayonnement solaire et en transférant la chaleur
directement à l'atmosphère. Cela initierait de l'activité orageuse
en dehors du cour cyclone tropical et, comme pour STORMFURY, cela affaiblirait
la convection dans le mur de l'oil. Cette idée n'a jamais été mise à exécution.
» c)
avec une arme nucléaire ?
Il y a toujours l'idée, qui ressurgit à chaque
saison cyclonique, d'utiliser l'arme nucléaire pour essayer de détruire
les cyclones. Outre le fait que cela pourrait ne rien changer pour la tempête
elle-même, cette approche néglige le fait que les retombées
radioactives seraient reprises dans le courant d'alizé, affecteraient
les terres et causeraient des problèmes environnementaux dévastateurs.
Inutile de le dire, ce n'est pas une bonne idée !
Voyons maintenant une explication scientifique plus
rigoureuse justifiant pourquoi cette technique ne serait pas efficace
pour modifier les ouragans.
La principale difficulté dans l'utilisation des explosifs pour modifier
les ouragans est la quantité d'énergie nécessaire.
Un ouragan pleinement formé peut libérer entre 5 et 20x10
13 watts d'énergie sous forme de chaleur et convertir moins de 10%
de la chaleur en énergie mécanique du vent. La chaleur libérée
correspond à l'explosion d'une bombe nucléaire de 10-mégatonnes
toutes les 20 minutes. Selon l'Almanach Mondial de 1993, l'ensemble de
tous les êtres humains a utilisé une énergie de 10
13 watts en 1990, ce qui correspond à moins de 20% de la puissance
d'un ouragan.
Si on réfléchit à l'énergie mécanique,
l'énergie à disposition de l'humanité est plus proche
de celle d'une tempête, mais le fait de concentrer même la
moitié de cette énergie sur une zone reculée au milieu
de l'océan serait quand même extraordinaire. Une interférence
de force brute avec les ouragans ne semble pas prometteuse.
De plus, une explosion, même nucléaire, produit une onde
de choc, ou une impulsion de haute pression, qui se propage à partir
du lieu de l'explosion presque plus vite que la vitesse du son. Un tel événement
n'augmente pas la pression barométrique après le passage
du choc parce que la pression atmosphérique reflète le poids
de l'air au-dessus du sol. Pour une pression atmosphérique normale,
il y a environ 10 tonnes métriques (1 000 kg/tonne) d'air pesant
sur une surface d'un mètre carré. Dans les ouragans les plus
forts, il y en a 9. Pour qu'un ouragan de catégorie 5 passe en catégorie
2, il faudrait ajouter à peu près une demi-tonne d'air par
mètre carré à l'intérieur de l'oeil, soit un
total d'un demi-milliard de tonnes pour un oeil dont le rayon serait de
20 km. Il est difficile d'envisager une façon pratique de déplacer
cette quantité d'air.
Attaquer les dépression ou ondes tropicales faibles avant qu'elles
n'aient une chance de se développer n'est pas plus prometteur. Il
s'en forme à peu près 80 par an dans le bassin Atlantique,
mais seulement 5 en moyenne deviennent ouragans. Il n'y a aucun moyen de
savoir par avance lesquelles se développeront. Si l'énergie
libérée dans une perturbation tropicale n'était que
de 10% de celle d'un ouragan, ça reste beaucoup d'énergie,
et la police des ouragans devrait baisser l'intensité de toutes
les lumières du monde plusieurs fois dans l'année.
» d)
en ajoutant une substance qui absorbe l'eau ?
« Dyn-O-Gel » est une poudre spéciale
(produite par Dyn-O-Mat) qui un gel gluant en absorbant de grandes quantités
d'humidité. Il a été suggéré de verser
de grandes quantités de cette substance dans les nuages des ouragans
pour dissiper certains nuages, contribuant ainsi à affaiblir ou
détruire l'ouragan.
A l'HRD (Hurricane Research Division : division de
recherche sur les ouragans), on a testé l'unique possibilité pour que « Dyn-O-Gel » puisse
affaiblir un ouragan dans le modèle numérique MM5. On a constaté un
effet mais il était limité (environ 1m/s). L'idée était
que la saleté rendrait les gouttes de pluie irrégulières
(donc non aérodynamiques), qu'elles tomberaient moins vite et augmenteraient
la charge condensée, affaiblissant ainsi les mouvements ascendants
dans le mur de l'oil. Si, au contraire, on augmente la vitesse de précipitation
des hydrométéores, la tempête se renforce (de nouveau
de 1 m/s seulement). Lors des simulations numériques, « baisser » signifiait
réduire la vitesse de chute à la moitié de la valeur
réelle, et « augmenter » signifiait doubler la valeur
réelle. La conséquence est plus importante que ce qu'on aurait
pu espérer produire en atmosphère réelle.
Le fait que l'expérience menée par « Ddyn-O-Gel » ait
en fait « dissipé » les nuages est problématique.
Est-ce qu'on a observé des nuages qui n'ont pas été modifiés
? Les cumulus isolés de Floride ont une courte durée de vie,
et ce sont justement ceux qu'un expérimentateur sélectionnerait
logiquement.
En acceptant le fait qu'un effet ait réellement été constaté,
les descriptions semblent plus en accord avec une augmentation de la vitesse
de chute des hydrométéores et la coalescence de collision
accélérée, ce qui, les résultats du modèle
numérique le montrent, renforcerait l'ouragan, mais peu. Si cette
supposition s'avère correcte, « Dyn-O-Gel » pourrait
se révéler utile pour faire pleuvoir pendant une période
de sécheresse, à l'inverse de l'ensemencement glaciogène
qui (au moins sous les tropiques) a tendance à rendre les jours
pluvieux encore plus pluvieux, si tant est qu'il ait un effet.
Un des problèmes les plus importants est toutefois qu'il faudrait
une grande quantité de substance pour espérer avoir même
un impact. Deux cm de précipitations tombant sur 1 km2 de surface
correspondent à 20 000 tonnes d'eau. Au taux de 2 000 pour 1 annoncé par
les gens de « Dyn-O-Gel », il faudrait 10 tonnes de gel par
km2 . Si on considère que l'oil fait 20 km de diamètre et
est entouré d'un mur de l'oil épais de 20 km, ça fait
3 769,91 km2 nécessitant 37 699,1 tonnes de « Dyn-O-Gel ».
Un avion de transport lourd C-5A accepte une charge de 100 tonnes. Traiter
le mur de l'oil nécessiterait donc 377 sorties. La réflectivité moyenne
dans le mur de l'oil est de 40 dB(Z) ce qui nous amène à 1,3
cm/heure de pluie. Si on voulait continuer à doper le mur de l'oil,
on aurait besoin de fournir cette quantité de « Dyn-O-Gel » à peu
près toutes les heures et demie. En augmentant la réflectivité à 43
dB(Z), il faudrait le faire toutes les heures. (Si l'épaisseur du
mur de l'oil n'est que de 10 km, on peut s'en sortir avec 157 sorties toutes
les heures et demie pour la réflectivité la plus basse).
» e)
en refroidissant la surface des océans avec des icebergs ou en
refroidissant
les eaux profondes?
Puisque les ouragans puisent leur énergie dans
les eaux océaniques chaudes, certaines propositions ont été avancées
pour tracter des icebergs des zones arctiques vers les tropiques afin de
rafraîchir les températures de surface de l'océan.
D'autres ont proposé de pomper l'eau froide par des tuyaux des profondeurs
vers la surface, ou de libérer des poches d'eau douce froide provenant
de résurgences.
Considérons l'échelle de ce dont nous sommes en train de
parler. La zone critique pour le transfert d'énergie dans un ouragan
est sous de la zone du mur de l'oil ou à proximité. Si le
mur de l'oil mesure 48 km de diamètre, cette zone couvre près
de 4 550 km2. Maintenant, si l'ouragan se déplace à une vitesse
de 16 km/h, il va balayer une surface de plus de 18 650 km2 d'océan.
Ca fait beaucoup d'icebergs pour seulement 24 heures de la vie du cyclone.
Maintenant, ajoutons l'incertitude liée à la trajectoire,
qui est actuellement de 160 km à 24 heures et il faudra augmenter
notre zone refroidie de 38 000 km2. Pour la méthode du remorquage
des icebergs, il faudrait augmenter d'autant les délais (et donc
l'incertitude et la zone refroidie) ou risquer que votre flotte de remorqueurs
se trouve prise dans la tempête.
Pour la méthode des tuyaux ou des poches, il faudrait pré-positionner
le système sur toute les surfaces d'approche possibles des ouragans.
Rien que pour le territoire des Etats-Unis, de Cap Hatteras à Brownsville,
il faudrait couvrir une surface de 850 000 km2 d'océan avec des
dispositifs.
Enfin, considérons les animaux marins. Si on refroidissait soudainement
la surface de l'océan (jusqu'à la rendre fraîche de
façon temporaire), on altérerait l'écologie de cette
zone et on tuerait probablement la plupart de ce qui vit à cet endroit.
Un ouragan est suffisamment dévastateur pour eux sans qu'on en rajoute.
» f)
en emprisonnant l'énergie des cyclones tropicaux
?
Si quelqu'un peut trouver un moyen
de capter cette énergie,
il a tout gagné. Il pourrait gagner des millions de dollars et la
gratitude de tous sur la côte. Chaque dyne d'énergie récoltée
serait une de moins soufflant dans les arbres.
Le plus gros obstacle technique est que l'énergie d'un ouragan
est de basse qualité. Elle est abondante, mais étalée
sur une gigantesque zone. Pour que l'énergie soit de bonne qualité,
elle doit être concentrée, la rendant plus facile à rassembler
et à utiliser. Cela nécessiterait un champ d'éoliennes
couvrant des dizaines de km2 pour que ce soit rentable. Et il faudrait
que ce système soit mobile, de façon à pouvoir intercepter
les tempêtes qui arrivent sur les terres, ou poursuivre celles qui
changent de direction. Bien sûr, il faudrait utiliser de l'énergie
pour déplacer les machines, donc on risquerait de perdre de l'argent
dans cette opération. Le problème est le même pour
les turbines hydrauliques, avec le souci supplémentaire de trouver
un moyen de les ancrer solidement sans compromettre leur mobilité.
Ce serait une tâche technique décourageante, avec en plus
le souci d'avoir des turbines robustes pour supporter les dommages causés
par les débris emportés par les vents et capables de transmettre
l'énergie récoltée de façon rapide. Ainsi,
après avoir déterminé les caractéristiques
techniques, il faudrait trouver un ou deux investisseurs, parce que cela
coûterait énormément d'argent de construire autant
de turbines mobiles et solides avant même d'avoir récolté le
premier erg.
» g)
en modifiant leur bilan énergétique avec des particules
de haute
altitude ?
L'idée est ici de répandre une couche de
particules absorbant ou réfléchissant les rayons du soleil
(comme de la suie micro encapsulée, du « carbon black » ou
de minuscules réflecteurs) en haute altitude, autour d'un ouragan.
Cela empêcherait la radiation solaire d'atteindre la surface qui
se rafraîchirait, tandis qu'augmenterait en même temps la température
de la haute atmosphère. Orientées verticalement, les dépressions
tropicales sont alimentées par les différences d'énergie
entre les basses et hautes couches de la troposphère. Réduire
cette différence devrait réduire la force des vents à l'arrière
des cyclones.
Il faudrait une quantité énorme de n'importe laquelle des
substances choisies pour modifier le bilan énergétique et
la répandre sur un large domaine océanique pour avoir un
impact sur un cyclone. On pourrait espérer que cette substance se
disperserait ou se désagrégerait, sans impact néfaste
sur l'écologie. Savoir où la placer serait également
délicat. Si vous réchauffez la mauvaise zone de l'atmosphère,
vous pourriez mettre plus d'énergie dans le cyclone. Ces propositions
exigeraient un bon nombre d'actions bien ponctuelles et coordonnées
pour répandre la couche, tout en risquant de faire plus de mal que
de bien. Beaucoup de simulations informatiques devraient être exécutées
avant un quelconque essai sur le terrain.